Vue d'installation de l'exposition collective Les formes du temps
La topographie de l'art - Paris
Printemps 2024
L'inversion des éclipses
Le dispositif remonte à près de trois mille ans, l’ombre projetée du gnomon servant à connaître la marche du soleil sur la voûte céleste, il permet de déduire des informations cruciales comme l’orientation de la planète. Sa fiabilité n’a d’égal que son apparente simplicité due à une mise en œuvre rudimentaire (une tige portant son ombre sur une surface, parfois à même le sol); toutefois le protocole est toujours d’actualité, les astronautes emportant avec eux un gnomon pour connaître sur une surface extra-terrestre la position du soleil. Véritable allégorie de la permanence des savoirs et de la relativité de la notion de progrès, le gnomon est aussi l’une des figures de la projection lumineuse. Le stylet n’a pas le mystère de la caverne mais il est à sa manière une chambre (claire) permettant d’ajuster dans l’espace par projection une réalité physique inconcevable par l’observation directe.
L’intuition poétique de Thomas Paquet associe deux imaginaires savants, celui de la projection lumineuse et celui de l’empreinte, soit les principes mêmes de l’invention de la photographie : figer l’image se projetant dans la chambre noire. Mais il en donne une version que l’on peut qualifier de minimaliste. Il s’agit de photogrammes enregistrés sur une surface photosensibilisée, moins une image donc qu’une trace n’ayant subie aucune correction optique, une ombre qui devient lumière, ce que l’on pourrait qualifier d’éclipse inversée. Faire surgir de façon répétitive et non systématique un répertoire de lueurs peut nous rappeler l’œuvre vivante intitulée Mur de Feu (1961) réalisée par Yves Klein, où l’alignement des brûleurs gaz en registres offre autant d’étoiles de flammes bleues. Mais ici le bleu est le fond d’émulsion au cyanotype et la lueur sa soustraction au feu. Un « mur de flammes froides » pourrait caractériser les séquences de Thomas Paquet, en faisant remonter le feu à son origine. Ces lignes en creux de lumière ressemblent à la quête de l’étalon spectral de nos existences terrestres, illuminées par les ondes astrales.
Michel Poivert
Texte écrit pour le livre L’ombre des heures paru en mars 2024
Inverted Eclipses
The device dates back nearly three thousand years, the shadow cast by the gnomon is used to determine the course of the sun across the celestial vault, allowing crucial information such as the orientation of the planet to be deduced. Its reliability is matched only by its apparent simplicity, thanks to a rudimentary design (a rod casting its shadow onto a surface, sometimes directly onto the ground); simple as it is, the technique is still used today, with astronauts taking a gnomon with them to determine the position of the sun on an extraterrestrial surface.
A true allegory of the permanence of knowledge and the relativity of the notion of progress, the gnomon is also one of the agents of luminous projection. The stylus may not convey the mystery of the cave, but it is in its own way a camera (lucida) that makes it possible to adjust into space, by projection, a physical reality ungraspable through direct observation.
Thomas Paquet’s poetic intuition combines two ingenious imaginaries, that of luminous projection and that of the imprint, the very principles at the foundation of photography: to fix the image projecting itself inside the camera obscura. But he gives a version of it that can be qualified as minimalist. These are photograms recorded on photosensitised surfaces, therefore less images than traces without any optical correction, shadows turned into light, which we could describe as inverted eclipses. The repetitive, unsystematic emergence of a repertoire of gleams may remind us of the lively work Mur de Feu (1961) by Yves Klein, in which rows of ignited gas burners assembled in a canvas create as many stars of blue flames. Only here the colour blue is the sensitising solution of the cyanotype, and the gleam its substraction from the fire. A «wall of cold flames» could characterise Thomas Paquet’s sequences, tracing the fire back to its origin. These hollow lines of light mirror the quest for the spectral standard of our earthly existences, illuminated by astral waves
Michel Poivert
Text written for the book L’ombre des heures published in March 2024
Décalage horaire, 23 avril 2019, 13h01, série L’ombre des heures,
Cyanotypes sur papier coton
100 x 100 cm
Édition unique
7mai18 - 12h16/13h48
série L’ombre des heures, 2018
Composition de 9 cyanotypes sur papier coton
58 x 58 cm
7mai18 - 13h58/15h24
série L’ombre des heures, 2018
Composition de 9 cyanotypes sur papier coton
58 x 58 cm
Insolation du papier
printemps 2021
20 septembre 18 - 11h33/15h29
série L’ombre des heures, 2019
Composition de 30 cyanotypes sur papier coton
100 x 120 cm
Vue d'installation de l'exposition Rien n'échappe à la lumière
Bigaignon - Paris
Printemps 2023
8 mai
série L’ombre des heures, 2019
Composition de 24 cyanotypes sur papier coton
80 x 120 cm
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